Quand l'oiseau est présenté en vie, son évolution est aussi éloquente. Elle va cette fois vers une séparation progressive du sol (d'abord sur un arbre avec l'Etoile, puis en l'air avec le Monde). Cet éloignement vers le haut va bien plus loin que celui des plumes en vie. En effet, l'Etoile qui inaugure l'oiseau animé, entame également les appellations cosmiques des lames, en fin de parcours du Tarot majeur (XVII, l'Etoile, XVIII, la Lune, XVIIII, le Soleil, XXI, le Monde). Le cosmique propre à l'Etoile et au Monde, n'est il pas une autre façon de quitter le sol, de s'intéresser à ce qui est en l'air ?

Visiblement, l'oiseau vivant, et donc en mesure de parler, entraîne une élévation certaine (vers le cosmos). Le Tarot met ainsi délibérément ce qui se voit dans l'air cosmique (étoiles et Monde) et ce qui vit dans l'air terrestre (oiseaux). Avec ce parallèle, on retrouve l'idée d'un langage qui exprime l'universel (le cosmique) présent dans l'air terrestre (les oiseaux), l'idée d'une alchimie particulière par et dans l'air.

En outre, sur ces deux arcanes ou la créature aérienne manifeste toute sa vivacité, les humains présents sont, et cela pour les deux uniques fois du Tarot, entièrement nus, de la tête aux pieds. Seul le squelette de l'Arcane sans nom pourrait également prétendre à ce particularisme, mais il n'est pas vraiment humain, juste humanoïde, au même titre que les diablotins sur le Diable, qui de surcroît ont la tête couverte. Autrement dit, avec l'Etoile et le Monde, on est bien dans le particularisme quant à l'habillage de l'être.

Cette nudité complète, seulement réunie par la vie en ailes, veut-elle nous signifier que "l'être est mis à nu" et que "lettre est mise à nue", ou encore que l'être est nu comme la vérité ? Nous retiendrons en tout cas, que nus, ces personnages ont étés découverts. Sans apparats, nous en déduirons également qu'ils insistent à leur manière sur "l'essence de l'être", "les sens de lettres". Quant au double sens propre à la langue des oiseaux, il est largement repris dans la vision de cet être dans le Tarot. Figuré sur un blason, l'oiseau se voit aussi bien tourné vers la droite que vers la gauche, et il en va de même quand il est vivant. L'aigle du Monde conclu même cette vision du double sens en nous proposant deux créatures en une ! En effet, selon que l'on regarde cette oiseau par un bout ou l'autre de son auréole on voit soit un aigle (en fixant le bec) soit un bouquetin (en fixant la huppe de l'autre coté de l'auréole). Cette vision nous démontre deux formes de "l'être" derrière une seule apparence.